Tove Marika Jansson









    Tove Marika Jansson est une artiste finlandaise polyvalente. Née en 1914 à Helsinki dans une famille d’artistes à la vie presque bohème, elle se retrouve vite influencée par le poids artistique de sa mère et de son père, respectivement illustratrice et sculpteur. Dès son plus jeune âge, elle pratique le dessin et l’illustration en témoignage brute de son enfance aventureuse, qui la mèneront à fréquenter plusieurs écoles d’Art prestigieuses telles que la faculté d’Art de Stockholm et les Beaux Arts de Paris.


    Profitant ainsi de ses études qui la conduisent dans toute l’Europe, elle voyage et voit le monde, s’inspirant de rencontres, de vie quotidienne, de culture et d’imprévus, qui forment peu à peu son univers à la fois si novateur, et si traditionnel. Si Tove Jansson est si connue aujourd’hui en Finlande, c’est parce qu’elle a su développer plusieurs talents à la fois, afin de s’imposer comme figure incontournable ; que ce soit dans la peinture, dans le dessin, dans l’illustration ou dans l’écriture. Toujours partante pour l’aventure et l’exploration, elle s’est lancée dans de très nombreux projets, comme la bande dessinée, l’Opéra, l’écriture de roman et surtout l’écriture de livres pour enfants, qui est un pari très difficile à relever. En effet, comme le dit l’historien de comics britanniques Paul Gravett dans la préface d’un des albums de Tove Jansson, « Bien écrire la fiction pour les enfants (…) nécessite une variété de dons parmi lesquels une franchise et une lucidité avec les mots et les émotions, et le courage de les maintenir sans prétention. » Pour sa part, Tove Jansson elle-même considère le livre pour enfants comme « une voie où l'écrivain s'arrête et où l'enfant continue. Une menace ou une joie qui ne peut jamais être expliquée. Un visage jamais complètement révélé ». C’est donc avec une lucidité presque évidente et une franchise dans les mots et dans les traits que Tove Jansson gagne peu à peu une reconnaissance certaine auprès d’un public qui reconnait en son travail un humour frais et nouveau, où chaque personnage est « absolument sain au plus profond de lui. »




    Mais, si cette artiste est devenue de nos jours une incontournable de la culture finlandaise, on peut à juste titre se demander si l’isolement n’y a pas grandement contribué. Il faut en effet rappeler certains épisodes de l’enfance de Tove Jansson qui décidèrent presque de toute sa vie à venir. On sait comme les souvenirs d’enfance sont importants pour chacun de nous, car ils correspondent au temps de l’insouciance, au temps de la joie, au temps des cabanes. Or, le couple Jansson emmenait tous les étés leurs trois enfants sur une petite île de pêcheur de l’archipel de Pellinge, dans le Golfe de Finlande. Dans la courte biographie que nous livre une ancienne édition du Livre de Poche, on peut d’ailleurs lire qu’ « elle a gardé de son enfance des souvenirs très vivants : le grand atelier plein de sculptures, les histoires de Maman, les aventures avec Papa, qui adorait les orages, l’été dans une île sauvage et les parties de pêche par n’importe quel temps. » Et c’est le souvenir de ces vacances sauvages et isolées qui fit naître plus tard dans l’esprit de l’artiste un profond besoin d’isolement. Elle qui voulut tout d’abord devenir gardien de phare ; allégorie même de la solitude, préféra finalement suivre la voie artistique de ses parents, sans pour autant abandonner ses rêves de tranquillité.


     C’est donc une fois devenue adulte qu’elle puise son inspiration dans la solitude imprévisible de la mer. Dans les années 1970, elle et sa compagne, l’artiste graphique Tuulikki Pietilä, se rendent en vacances dans le même archipel finlandais qui fit le bonheur des enfants de la famille Jansson et décident de s’installer sur l’une des petites îles qui foisonnent dans le Golfe de Finlande : Klovharu. Sur ce rocher perdu à la végétation farouche, elles construisent un minuscule cottage en bois, où elles passeront tous leurs étés pendant près de vingt-cinq ans.




    A la fin des années 20, Tove Jansson commence à travailler pour les magazines Garm et Julen, des magazines antifascistes. C’est à partir des années 40 qu’apparaît le personnage de Moumine comme signe de reconnaissance de l’artiste, accolé à sa signature. Puis, elle développe ce personnage en 1953 : elle signe un contrat avec le London Evening News et commence à travailler dans le domaine de la Bande Dessinée afin de livrer six strips par semaine au quotidien anglais pour « satiriser la soi disant vie civilisée ». C’est ainsi qu’elle s’impose en tant que dessinatrice, tout en poursuivant en parallèle sa carrière d’artiste peintre. Elle livre donc en une dizaine d’années près de soixante treize aventures de son troll Moumine, aventures dont elle s’inspire pour écrire des livres pour enfants.




    Les thèmes abordés dans la bande dessinée sont les mêmes que ceux des romans : le quotidien, l’aventure, la solitude, le tout porté par des dialogues « succincts mais néanmoins expressif ». Elle y développe la vie de la famille Moumine au sein d’une vallée tranquille, famille on ne peut plus atypique, privilégiant l’aventure et le jeu, sans cesse perturbés par les influences extérieures de la vie « civilisée » : la raison, la propreté, la stabilité, le sérieux…




    L’isolement est l'un des thèmes de prédilection de Tove Jansson. Même s’il n’est pas définitif, il est récurrent dans toute son œuvre, quelle qu’elle soit. Tove Jansson n’est pas un ermite orgueilleux ou torturé, et l’on peut la différencier d’autres artistes plus « extrémistes » dans leur travail ou dans leur vie. Tove Jansson est avant tout une femme débordante d’imagination, qui doit toujours avoir sur elle un carnet pour dessiner ou inventer des histoires. Son travail, avant d’être reconnu dans le monde entier, est avant tout très sincère, et très humble. Son besoin d’isolement n’est pas une lubie viscérale, mais un cadeau, une récompense que l’on s’octroie après avoir bien travaillé. Son attirance, et même son amour de la mer et des îles, que le lecteur avisé et respectueux retrouvera tout au long de son œuvre, incarne bien plus qu’un désir de solitude, une véritable quête de la tranquillité et de la poésie de la nature, qui l’inspire tout au long de sa vie. Tove Jansson, c’est surtout cette femme qui voulait juste « vivre en paix, planter des pommes de terre et rêver. »



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